En visite au Pakistan, le secrétaire d’État américain, John Kerry annonce l’éventuelle fin d’une ère : celle des drones qui visent les Talibans et djihadistes de tous poils dans les zones montagneuses de la frontière afghano-pakistanaise. C’est aussi le moment choisi par l’administration Obama pour tendre une nouvelle main au Pakistan, et son nouveau premier ministre, Nawaz Sharif.
A l’occasion d’une rencontre avec son homologue pakistanais, Sartaj Aziz, John Kerry a déclaré que le Pakistan et les USA allaient reprendre d’importantes négociations sur les questions sécuritaires, tout en invitant le nouveau premier ministre Nawaz Sharif à se rendre à Washington pour y rencontrer Barack Obama. Lors de l’entretien de jeudi, John Kerry a également sous-entendu que les frappes controversées de drones pourraient cesser sous peu.
« Je suis heureux d’annoncer qu’aujourd’hui, nous nous sommes rapidement entendus sur la reprise d’un dialogue stratégique pour favoriser un partenariat plus profond et compréhensif entre nos 2 pays » a déclaré le secrétaire américain lors d’une conférence de presse à Islamabad. Il précise que ces discussions couvriraient « toutes les questions-clés, allant de la gestion des frontières, au contre-terrorisme en passant par la promotion des investissements américains en vue de redynamiser l’économie pakistanaise.
A la télévision pakistanaise, Kerry annonce aussi que les USA pourraient arrêter leurs frappes de drones au Pakistan dans un futur proche. « Je pense que nous sommes sur le bon chemin » s’exclame-t-il. « Je pense que ce programme devrait cesser sous peu puisque nous avons éliminer la plupart des menaces et que nous continuons à le faire » reprend-t-il. Ces commentaires reflètent les mêmes positions que celles exprimées par Barack Obama en mai dernier à ‘Université de Défense Nationale où il avait déclaré la restriction des sorties de drones et la fin de l’état de « guerre perpétuelle ».
Face à la politique des drones, les USA la déclare d’utilité publique puisque le Pakistan ne peut s’engager militairement et efficacement contre les terroristes. De son côté, le Pakistan n’a de cesse de répéter que ces attaques sont une violation de la souveraineté du pays et qu’elles ont largement contribué à l’émergence d’un sentiment anti-américain au sein de la population.
Ces dernières années, le rythme des attaques de drones a été revu à la baisse, sûrement dans le but d’apaiser les généraux pakistanais. Un nombre de 16 attaques a été enregistré depuis le début d’année. Un chiffre en considérable baisse au regard des 122 attaques de 2010, année où la politique des drones au Pakistan avait atteint son paroxysme.
La reprise d’un dialogue de haute portée devrait s’inscrire dans la lignée de celui sécuritaire et de développement mis en place en 2010. Ce dernier avait été brutalement interrompu en novembre 2011 quand une sortie de drone avait tué 24 soldats pakistanais à la frontière avec l’Afghanistan. Avant ce coup de grâce porté aux relations bilatérales entre les USA et le Pakistan, elles avaient déjà été endommagées par divers incidents comme le meurtre de 2 Pakistanais à Lahore par un agent de la CIA ou par le raid secret des USA contre la forteresse de Ben Laden, à Abottabad en mai 2011.
Le retour de ce dialogue stratégique laisse transparaître une améliorations de la relation américano-pakistanaise, bien qu’il existe toujours des tensions et des méfiances, caractérisées par les drones américains ou les liens du Pakistan avec les militants islamistes qui utilisent les zones frontalières pour lancer des attaques contre les troupes américaines en Afghanistan.
« Cela ne fait aussi aucun doute que nous avons eu de nombreuses différences ces dernières années au cours de notre route commune mais je pense qu’en venant ici aujourd’hui, à la fois le premier ministre et moi-même, pensons que l’unité est la meilleure solution face à ce qui peut nous diviser » ajoute le secrétaire d’état. L’Afghanistan a également été au cœur des discussions. L’idée d’un accord bilatéral sur les questions de sécurité avec le Pakistan permettrait de faciliter le retrait américain de 2014 après 13 années de présence.
Cette nouvelle dynamique intervient alors que le Pakistan vient de voir pour la première fois de son histoire un gouvernement élu terminer son mandat. « C’est une transition historique qui vient de se produire » commente Kerry. Selon plusieurs responsables américains, il y a une réelle volonté de rétablir des liens après les troubles de ces dernières années. Pour eux, Nawaz Sharif semble l’interlocuteur idéal pour ce qui concerne les questions de contre-terrorisme, d’énergie, de stabilité régionale, de réformes économiques et de commerce.
Cette visite est également l’occasion pour les USA de renforcer leur aide au gouvernement civil pakistanais et d’aider Nawaz Sharif à contrer l’émergence des attaques dans le pays. Peu avant la visite de Kerry, une attaque sur une prison a permit la libération de centaines de prisonniers et parmi eux, quelques terroristes. Cet événement a bien évidement posé la question sur les capacités de l’état pakistanais à lutter contre une insurrection responsable de la mort de dizaines de milliers de pakistanais depuis une dizaine d’années.
Julien Lathus