Gah, petit village pakistanais du Punjab de 2500 habitants aurait pu rester dans l’anonymat. Comme de nombreuses bourgades de cette province frontalière avec l’Inde, Gah a vu ses Hindous et ses Sikhs fuirent les violences qui ont marqué la partition du sous-continent en 1947.
Parmi ses exilés, un jeune garçon de 15 ans, qui deviendra plus tard le 13ème premier ministre de la plus grande démocratie du monde. Manmohan Singh est né en 1932 dans ce village situé à une centaine de kilomètres d’Islamabad.
Durant des années, Ghulam Muhammad Khan pensait que son camarade de classe avait disparu dans le bain de sang qui donna naissance à l’Inde et au Pakistan. Lorsqu’en 2004, Manmohan Singh, fraichement élu au plus haut poste politique indien déclarait à un journaliste qu’il venait d’un petit village pakistanais, il n’en revenait pas.
« Il était notre délégué de classe et nous jouions ensemble. Il était un enfant doux et brillant. Notre professeur nous conseillait toujours de lui demander de l’aide si nous ne comprenions pas quelque chose » se rappelle Ghulam Muhammad Khan, dernier survivant de la classe de Manmohan Singh.
« Je n’aurai jamais pu imaginer que Manmohan puisse un jour apporter tant de bénédictions à notre village » reprend-t-il. Pourtant, Gah a été le symbole inachevé d’une fraternité indo-pakistanaise. Le pouvoir pakistanais, à l’époque sous le régime martial de Pervez Musharraf a décidé d’ériger le village en modèle en l’équipant de supers structures tout aussi couteuses qu’inadaptées et non terminées.
Une route pour les véhicules motorisés a été construite, tout comme des écoles pour les filles et pour les garçons, ainsi qu’un réservoir d’eau et une clinique vétérinaire. Le premier ministre indien avait envoyé une équipe pour installer des panneaux solaires pour l’électricité et un système pour chauffer l’eau près de la mosquée du village.
Tous les projets se sont arrêtés après les élections de 2008 et la victoire du Parti du Peuple Pakistanais, à la présidentielle et aux élections provinciales de l’état du Punjab. Les écoles et l’hopital sont restés vide. Aucun professeur, ni aucun médecin n’ont été dépêchés sur place car les crédits accordés par le général Musharraf n’ont pas été repris par le nouveau pouvoir, affirment les villageois.
« Nous avons contacté l’administration du district et les membres du parti au pouvoir. Ils nous ont répondu qu’ils n’avaient pas de fonds pour ces structures et qu’ils tentaient de les obtenir de la part du gouvernement » déclare Ashiq Hussain, maire de Gah.
Au final, des dizaines de milliers de dollars ont été dépensés dans de l’inachevé et du vide de sens. Maintenant, l’embrassement est palpable, surtout depuis que le président pakistanais, Ali Asif Zardari a invité Manmohan Singh au Pakistan au mois de novembre 2012, et qu’il l’a enjoint à venir visiter le village de son enfance.
Les villageois de Gah espèrent alors que l’espoir de voir ces projets terminés viendra de la visite de l’enfant prodige du village. « Tout le monde veut le voir et le remercier. Nous voulons également qu’il vienne rapidement car nous espérons que sa visite permettra de finir les travaux et de nommer des employés pour l’hôpital et les écoles » pense Ghulam Muhammad Khan.
« Nous allons faire venir des musiciens, des percussionnistes et des flutistes pour jouer quand il viendra. Nous danserons et le célébrerons. Nous voulons qu’il établisse une amitié sans faille entre l’Inde et le Pakistan » s’enthousiasme le maire de Gah.
Qu’importe la rivalité amère entre le Pakistan et l’Inde, la plupart des villageois de Gah sont fières de Manmohan Singh, qui dirige maintenant une démocratie de 1,2 milliards d’habitants. « Il est le fils de notre terre et nous voulons qu’il devienne le héros de l’amitié indo-pakistanaise. Nous voulons qu’il résolve la question du Cachemire et nous voulons lui parler quand il viendra ici » reprend son ancien camarade de classe, Ghulam Muhammad Khan.
Sources :
Dawn (Pakistan) en VO.
Julien Lathus