Élections générales fin décembre au Bangladesh

Après des semaines d’incertitude, le Bangladesh se rendra aux urnes le 30 décembre prochain dans un contexte politique à nouveau tendu. Le parti au pouvoir, l’Awami League (AL), piloté d’une main de fer par la première ministre Sheikh Hasina fait face à de fortes polémiques …

Après des semaines d’incertitude, le Bangladesh se rendra aux urnes le 30 décembre prochain dans un contexte politique à nouveau tendu. Le parti au pouvoir, l’Awami League (AL), piloté d’une main de fer par la première ministre Sheikh Hasina fait face à de fortes polémiques en cette fin de mandature. Accusée de dérapage autoritaire, elle est critiquée pour la violente répression de manifestations, pour des attaques envers des acteurs de la société civile et pour sa « guerre contre la drogue » qui se solde par de nombreux assassinats extra-judiciaires. Pour le parti d’opposition Bangladesh Nationalist Party (BNP), cette échéance électorale revêt des enjeux particuliers puisque le BNP avait boycotté les précédentes élections en 2014 et que sa dirigeante, Khaleda Zia a été condamnée à 10 ans de prison en février dernier et ne pourra pas, par conséquent briguer le poste qu’elle a déjà occupé entre 1991 et 1996, ainsi qu’entre 2001 et 2006.

Le 30 décembre prochain, les élections générales mettront en jeu 350 sièges au Parlement dont 50 seront réservés aux politiciennes. Le parti ou la coalition arrivé en tête du scrutin sera chargé de composer un gouvernement, organe suprême du pouvoir dans ce système parlementaire. En 2014, dans un climat de violence (21 morts le jour du vote), de boycott politique (absence du BNP) et participatif (environ 50 % de participants) et sous le feu de critiques internationales, le parti de Sheikh Hasina, l’AL l’avait emporté, conservant le pouvoir au Bangladesh pour 5 années de plus.

Un bilan en demi-teinte après 10 ans de pouvoir de l’Awami League

Depuis 10 ans, l’AL et sa charismatique cheffe, Shaikh Hasina dirige le pays. L’actuelle première ministre avait déjà connu ce poste entre 1996 et 2001 avant de revenir au pouvoir en 2009 et d’être réélue en 2014 après des élections controversées. Sous sa gouvernance, le Bangladesh a connu d’importants changements, plus particulièrement sur le plan économique. Avec une économie basée sur l’exportation (surtout textile), le PIB a connu une forte croissance et affiche un taux annuel autour de 6 % entre 2009 et 2017. Pourtant, ces beaux chiffres sont défigurés par un accroissement des inégalités, du chômage chez les jeunes (passé de 6 à 11 % en 7 ans), de l’émigration de travail et par une dégradation des conditions de travail symbolisée par l’effondrement de l’usine de textile de Rana Plaza qui en 2013 a coûté la vie à plus de 1100 travailleurs.

Ces dernières années, Sheikh Hasina a polarisé les critiques. Tant sur l’attitude de son gouvernement face aux critiques que sur l’usage excessif de la force pour réprimer des manifestations pacifiques comme celles des étudiants qui demandaient une réforme de l’accès à l’emploi public ou celles qui regroupaient des lycéens demandant plus de sécurité routière après que 2 jeunes aient été fauchés par un bus. Critiques également sur sa récente croisade contre la drogue qui offre, un peu comme le modèle philippin du président Duerte, de nombreux cas d’assassinats extra-judiciaires perpétrés par un bataillon de soldats d’élite des forces anti-terroristes détourné pour lutter contre les drogués.

Si une amélioration de la liberté d’expression et de la presse n’est toujours pas à l’ordre du jour au Bangladesh où de nombreux journalistes et blogueurs ont été tués ou emprisonnés ces dernières années, le pays a été loué pour son accueil de plus de 600 000 réfugiés Rohingya qui ont fui les violences perpétrées contre eux chez le voisin birman.

Qu’attendre de ces élections ?

Ces élections marquent avant tout le retour sur la scène politique du Bangladesh Nationalist Party, de l’adversaire historique de l’Awami League après 4 années d’absence suite au boycott des élections de 2014. Cette année, le BNP prend part à la lutte électorale au sein d’une alliance de 20 partis sous le nom de Jatiya Oiyka Front (Front Uni National en bengali). Ce front n’est pas dirigé par la chef du BNP, Khaleda Zia, en prison pour corruption et déclaré non éligible par la Commission Électorale du Bangladesh le 2 décembre mais par Kamal Hossain, un juriste et fondateur du parti Gano Forum, issu d’une sédition de l’Awami League.

Sur le plan des idées, le BNP annonce dans son programme toute une série de promesses allant de la bonne gouvernance au règne de la loi en passant par la lutte anti-terroriste comme anti-corruption. Au sein de l’alliance Jatiya Oikya Front, ce dernier point apparaît même comme une priorité. De son côté, l’Awami League fait de la jeunesse le centre de son manifeste électoral en dépit des troubles étudiants et lycéens qui ont émaillé la fin de la mandature de la première ministre et candidate à sa propre succession, Sheikh Hasina.

Il est presque impossible d’avoir des estimations sur les intentions de vote des quelques 104 millions de Bangladais inscrits sur les listes électorales en raison de la crédibilité des sondages locaux. Le scrutin semble donc ouvert car si Sheikh Hasina mise sur son bilan économique pour sa réélection, la mauvaise opinion générale sur sa manière de diriger pourrait faire pencher la balance du côté du BNP et du Jatiya Oikya Front.

Julien Lathus

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