Rentré le 24 mars dernier au Pakistan après 4 ans d’exil, l’ancien président-général-autocrate Pervez Musharraf connaît depuis une suite de déboires. Menacé par les Talibans, par la justice pakistanaise, par la commission électorale et par son passé, rien ne se passe comme il le prévoyait. Ce jeudi, après avoir vu sa candidature aux élections législatives rejetée, un tribunal vient d’ordonner son arrestation. Escorté par ses gardes du corps, il quitte fébrilement une Cour d’Islamabad. Retour sur 4 semaines de tractations.
En rentrant au Pakistan après un exil de 4 ans entre Dubaï et Londres, Pervez Musharraf voulait conduire son parti, la Ligue Musulmane de tout le Pakistan (APML) aux élections législatives du 11 mai prochain. Mardi, la Commission Électorale a déclaré qu’il n’a pas été autorisé à se présenter aux élections législatives du mois prochain, en expliquant que sa candidature a été jugée non valable en raison des procès en cours contre lui. « Il ne lui sera pas possible de contester cette décision » annonce la Commission. Une disposition de la Constitution prévoit que les candidats doivent être des personnalités «honorables». Un point délicat à honorer pour l’ancien président sur qui reposent des accusations de trahison, pour avoir suspendu la Constitution, mais également face à la mort d’ opposants, dont Benazir Bhutto pour laquelle il est accusé de ne pas avoir fournit de sécurité. Le renvoi de juges en 2007 pèse également en défaveur de l’ancien président.
La candidature de Pervez Musharraf avait déjà été rejetée dans trois circonscriptions pour ces élections, mais acceptée à Chitral, petite ville du nord. «La partialité sélective et l’activisme sans réserve dont fait preuve le tribunal électoral qui a rejeté ma candidature dans quatre circonscriptions ne me détourneront pas de mon objectif de sauver le Pakistan. Je vais contester ces décisions devant les tribunaux», avait réagi l’intéressé dans un communiqué.
La semaine dernière, la justice pakistanaise avait une nouvelle fois prolongé sa liberté sous caution lors d’une audience sous haute surveillance militaire dans la capitale Islamabad. Le général à la retraite, s’était présenté dans un 4 x 4 noir escorté par ses gardes du corps, sous les vivats de quelques partisans, à la cour d’Islamabad. Les autorités avaient bloqué les principales artères de ce quartier de la capitale. Le périmètre du tribunal était quadrillé par l’armée, la police, les paramilitaires et des agents du renseignement en civil, alors que des tireurs d’élite étaient postés sur les toits. Lors d’une brève audience, le tribunal a reconduit jusqu’à jeudi prochain la liberté sous caution de l’ancien président dans l’affaire du renvoi de juges en 2007.
Ce jeudi, nouvelle audition qui tourne court pour l’ancien président. Un tribunal d’Islamabad a ordonné son arrestation. A cette annonce, il a immédiatement quitté le tribunal sous la protection de ses gardes du corps pour fuir dans un 4 x 4 devant des policiers stupéfaits qui n’ont pas cherché à l’arrêter. Direction sa villa dans la banlieue de la capitale pakistanaise. «Son comportement montre son dédain de la procédure légale et indique qu’à titre d’ancien chef de l’armée et dictateur, il pense être en mesure d’échapper à sa responsabilité concernant ses abus » souligne Ali Dayan Hasan, directeur de la sectin pakistanaise de Human Right Watch.
Devant sa résidence, des dizaines de ses partisans dénoncent la décision du tribunal. « Nous n’acceptons pas cette décision, c’est de l’injustice… Longue vie à Musharraf ! » scandent-t-ils face à un important dispositif policier déployé devant le refuge de l’ancien président. Ses avocats ont demandé la prolongation de sa liberté sous caution. Tous pensaient que cette audience allait lui permettre de poursuivre sa route vers les élections. « A notre grande surprise, le juge a rejeté la prolongation et a ordonné son arrestation » explique le porte-parole de son parti politique.
Le général Pervez Musharraf s’était mis en difficulté en reconnaissant la semaine dernière, dans une interview à la chaîne de télévision CNN que, « dans certains cas », son gouvernement avait autorisé les drones américains à porter des frappes sur les terroristes dans le nord-ouest du Pakistan. « Le gouvernement n’autorisait des frappes de drones que dans certains cas, quand la cible était absolument isolée, et qu’il n’y avait pas de risque de victimes accidentelles » avait déclaré M.Musharraf. Jusqu’ici, les dirigeants pakistanais ont nié toute implication dans les frappes de drones américains qui ont provoqué de vastes manifestations de protestation dans le pays. Cette déclaration a provoqué un regain de haine supplémentaire dans les milieux extrémistes et nationalistes qui perçoivent l’ancien général comme un traître.
«Politiquement, il n’a jamais eu d’avenir», a estimé l’analyste pakistanais Hasan Askari. «Ses conseillers l’ont vraiment trompé en lui conseillant de rentrer (au Pakistan)… Il devrait retourner à Dubaï et au Royaume-Uni pour écrire un autre livre», a-t-il ajouté.
Ce retournement de situation laisse présager des inquiétudes pour la suite des élections. Hasan Askari, célèbre commentateur politique craint que cette décision de justice puisse compromettre les élections du mai. « Je pensais que les tribunaux se seraient chargés de cette affaire après les élections, mais la situation peut maintenant avoir des répercussions négatives pour la suite du processus électoral » déclare-t-il.
Julien Lathus.