Ce weekend, les Talibans du Réseau Haqqani ont envahi un district dans la province du sud-est de Paktia en infligeant de sévères pertes aux forces de sécurité afghanes. Les rebelles ont ainsi ouvert un nouveau front dans une région très volatile à la frontière avec le Pakistan.
Des responsables locaux ont tiré la sonnette d’alarme alors que l’attaque sur le district de Jani Khel a été menée dans la nuit du vendredi 27 août par des combattants du Réseau Haqqani, basé au Pakistan et bien connu pour ces actes de guérilla urbaine. Ce groupe cherche à se réimplanter en Afghanistan.
Abdul Rahman Zurmati, gouverneur du district en question explique que ces troupes étaient en état de siège depuis 9 jours. Selon lui, le district est tombé aux mains des Talibans en raison du manque de munitions et de renforts qui ne sont jamais venus. « Nous étions 90 soldats contre 1200 Talibans » explique-t-il avant d’ajouter que 27 de ses hommes avaient été tués dans les opérations de défense.
Pour Janat Khan Samkanai, chef du conseil de la province de Paktia, les insurgés de toute la province se sont mobilisés tout en recevant des renforts du côté pakistanais pour attaquer le district. Il ajoute qu’en dépit des 150 soldats gouvernementaux présents sur place, ces forces ont ont cruellement manquées d’un soutien aérien. « Après Jani Khel, les Talibans se concentrent sur les districts de Samkani et de Patan en vue de créer un territoire pour prévoir le retour du Réseau Haqqani en Afghanistan » commente-t-il en expliquant que les Talibans en ont profité pour se saisir des dizaines de véhicules et d’armes.
Le Réseau Haqqani, l’un des plus actifs dans l’insurrection afghane est souvent accusé de maintenir de forts liens avec les services de renseignements pakistanais. Ces dernières années, l’essor du groupe lui a permis d’intégrer le mouvement taliban, tout en gardant une certaine autonomie. Preuve de cette collusion, Sirajuddin Haqqani, le chef du réseau, a été nommé au sein du ministère taliban de la shura de Quetta, qui regroupe les principaux chefs talibans.
Son influence au sein du mouvement taliban ne cesse de croître au rythme des éliminations des chefs du groupe. En mai 2016, Akhtar Mansour, le successeur du Mollah Omar, chef historique des Talibans était éliminé par un drone américain à la frontière afghano-pakistanaise. Son successeur, Mawlawi Haibatullah Akhundeza est connu pour son manque d’expérience militaire. Un manquement que Sirajuddin Haqqani peut combler, et c’est ainsi que ce dernier prend une place de plus en plus déterminante dans la planification des opérations au jour le jour du nord au sud de l’Afghanistan.
Pour le moment, les spécialistes estiment que l’établissement d’un sanctuaire pour le réseau Haqqani dans le sud-est du pays allait augmenter les risques d’attaques de grandes envergures sur la capitale Kaboul tout en maintenant un fort climat d’insurrection dans le sud-est. Sur place, les responsables politiques mettent en garde le gouvernement de Kaboul sur les réalités à venir d’une telle situation si rien n’est fait rapidement dans la province de Paktia.
La chute de Jani Khel, où se concentre quelques 120 000 habitants rappelle la situation que l’Afghanistan a connu ces derniers mois dans le nord (Kunduz) et dans le sud (Helmand). Une situation faite d’une défense chaotique menée par des troupes régulières luttant jusqu’à la dernière minute avant de devoir manœuvrer en retraite, non sans avoir appelé à plusieurs reprises des renforts ou un appui aérien qui ne viendront pas en raison de retard ou du manque d’effectifs dispersés sur plusieurs fronts.
Trois semaines plus tôt, quant Jani Khel était sur le point de tomber, Abdul Rahman Zurmati déclarait que des mesures extraordinaires devaient être prises en vue d’éviter une victoire des Talibans. Face aux attentes jamais comblées, les quelques 100 soldats affectés à la défense du district avaient déjà baissé les bras, se plaignant de ne recevoir aucun soutien de la part de Kaboul. Il est désormais trop tard pour Jani Khel, tombé aux mains des Talibans ce vendredi, ajoutant un district de plus au palmarès des Talibans dans leur lutte pour renverser le pouvoir et revenir aux affaires.
Julien Lathus