L’examen de conscience de l’Inde occulte la fin d’année.

Peu de festivités lors des célébrations du Nouvel An en Inde. Après le décès d’Amanat, surnom donné à l’étudiante de 23 ans violée par 6 hommes dans un bus de New Delhi, le pays a terminé l’année 2012 dans la morosité et en proie à …

Peu de festivités lors des célébrations du Nouvel An en Inde. Après le décès d’Amanat, surnom donné à l’étudiante de 23 ans violée par 6 hommes dans un bus de New Delhi, le pays a terminé l’année 2012 dans la morosité et en proie à un examen de conscience sous le regard des médias du monde entier.

A de nombreux niveaux, les festivités ont été annulées ou réduites à leur plus simple expression pour faire place au recueillement. « Il n’y a pas de célébrations pour la Nouvelle Année… Il y aura une veillé à la bougie à 18h, après quoi, le club va fermer » explique Rajiv Hora, secrétaire du Club de Golf de Delhi. Le Club de Presse d’Inde, comme le parti politique du Congrès et l’armée ont annulé leurs soirées du réveillon.

L’attaque du 16 décembre a mis en lumière la violence endémique qui frappe les femmes en Inde où un viol est enregistré toutes les 20 minutes. « Nous sommes particulièrement concernés par le nombre de cas d’agression sexuelles à travers l’Inde et par la diffusion des violences contre les femmes » affirme une coordinatrice de l’ONU en Inde. Entre 2007 et 2011, le nombre de viols rapportés a connu une hausse de 17%. A New Delhi, c’est près d’un viol toutes les 14 heures.

Depuis le 16 décembre, des violences ont éclatées en marge des manifestations et l’émergence d’un débat national sur la question du viol révèle les failles de la société indienne où le regard étanche du patriarcat sur les femmes s’oppose à une culture urbaine en pleine modernité. Au-delà de ces violences, les dernières manifestations ont pris le gouvernement par surprise et l’ont poussé à promettre des nouvelles lois et des actions contre les agresseurs de femmes.

Le 23 décembre, le premier ministre Manmohan Singh regrette que les manifestations aient conduit à des affrontements avec les forces de l’ordre. « Je demande à toutes les personnes concernées de rester calmes et pacifiques » écrit-t-il sur Twitter, tout en assurant que « le gouvernement fera tous les efforts possibles pour rendre effective la sécurité de toutes les femmes du pays ».

Pourtant, si ces manifestations ont éclatés spontanément en réaction à cette affaire, c’est tout un pan de la société indienne qui est aujourd’hui incriminé. Le harcèlement sexuel envers les femmes en Inde se décline en de nombreux comportements allant des remarques sexistes au passage à l’agression. A New Delhi, une enquête du quotidien Hindustan Times montre que sur 356 femmes prenant les transports publics, 78 % d’entre elles rapportent avoir été victime d’harcèlements.

Des millions d’Indiens continuent de penser que les femmes sont responsables du harcèlement en raison de leur comportement et de la manière dont elles se vêtissent. Les mères tentent généralement de dissuader leurs filles de se vêtir de manière « provocante » avec des hauts sans manches ou avec des pantalons moulants.

Plus généralement, c’est la tradition culturelle indienne qui est pointée du doigt par les manifestants. Une culture où la femme se doit d’être une bonne épouse, assurer la descendance et préserver les traditions ; tout le contraire d’une femme pilotant sa propre carrière. Les mentalités font que les familles les considèrent comme des objets devant rester purs et contrôlés. Les femmes sont dans un premier temps les propriétés de leur père avant de devenir celles de leur mari. Depuis leur plus jeune enfance, on leur inculte de ne pas couvrir de honte leur nom de famille. Cette culture fait que de nombreuses femmes restent encore emprisonnées dans le mariage arrangé ou apeurées par la crainte des crimes d’honneur. « Il est tout simplement inacceptable que les femmes dans notre société aient à vivre dans la peur et dans l’angoisse » déclare le ministre de l’intérieur qui promet que les crimes envers les femmes seront traités avec une poigne de fer.

« Le pays entier nous observe avec de grandes attentes et nous ne devons pas faire échouer leurs espoirs. Je pense que nous devons établir un agenda avec deux mots : tolérance zéro. Tolérance zéro pour les agresseurs, pour les attaques à l’acide et pour tout type d’agression. Le changement doit intervenir ici et maintenant » poursuit-t-il. Face aux manifestations et à l’indignation des politiques comme des citoyens, la culture de l’impunité envers le viol pourrait alors appartenir à un passé peu glorieux de la nation indienne. Cet engouement ne devra pas épargné les forces de l’ordre et l’armée qui sont fréquemment pointés du doigt dans des affaires de viol comme au Cachemire ou au Manipur où le viol est une arme face aux mouvements séparatistes.

Ce jeudi, le gang des 6 violeurs présumé a été mis en examen pour viol, meurtre et enlèvement par un tribunal de la capitale indienne. L’un d’eux est encore un mineur. A ces charges s’ajoutent celles de vol avec violence, de vol suivi de mort et de destruction d’évidences. Pour certains de ces faits, ils sont passibles de la réclusion à perpétuité ou de la peine de mort.

Sur le plan judiciaire, l’émotion se fait également sentir. Des avocats rattachés au tribunal de Delhi qui doit juger les accusés ont annoncé qu’ils refuseraient de défendre les suspects. « Nous avons décidé qu’aucun avocat ne se présentera pour défendre les accusés de viol, parce que ce serait immoral de défendre cette affaire » explique un avocat membre du Barreau de ce tribunal. Les avocats des suspects seront alors commis d’office.

Sources :

CNN (USA) en VO.

Hindustan Times (Inde) en VO.

Al Jazeera (Qatar) en VO.

Julien Lathus

 

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