Les Talibans pakistanais investissent la Syrie.

Plus de 2 ans après le début de la rébellion anti-Assad en Syrie et son escalade en guerre civile, le pays est devenu un aimant pour les combattants étrangers sunnites, qui rejoignent la Syrie, le nouveau terrain de la guerre sainte contre « les oppresseurs chiites », …

Plus de 2 ans après le début de la rébellion anti-Assad en Syrie et son escalade en guerre civile, le pays est devenu un aimant pour les combattants étrangers sunnites, qui rejoignent la Syrie, le nouveau terrain de la guerre sainte contre « les oppresseurs chiites », représentés par le clan alaouite du président Bashar Al-Assad. Si des troupes de miliciens arabes sont sur le front depuis de longs mois, l’arrivé de combattants pakistanais risquent de compliquer encore un peu plus la donne de ce conflit aussi complexe qu’insoluble à court terme.

Les Talibans pakistanais quittent leurs montagnes pour les zones de guerre urbaine en Syrie.

Les Talibans pakistanais quittent leurs montagnes pour les zones de guerre urbaine en Syrie.

Dimanche, les Talibans pakistanais ont annoncé l’établissement de camps et l’envoi de dizaines d’hommes en Syrie pour combattre les troupes de Bashar Al-Assad aux côtés des rebelles. Un commandant de la coalition pakistanaise du Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP), Abdul Rashid Abbasi a confirmé en 2 temps l’envoi de djihadistes en Syrie. Tout d’abord, il a évoqué en avant-poste en Syrie à la BBC Ourdou, une « cellule établie avec l’aide des combattants arabes qui se sont battus en Afghanistan ». Il mentionne également une branche de « 120 à 150 combattants en route par différents chemins pour rejoindre les villes syriennes d’ici cette semaine ».

« Nous devrions envoyer encore plus de volontaires, mais nous ne pouvons pas indiquer leur nombre pour le moment. Nous fournirons tout le soutien que nos frères syriens demandent » remarque-t-il.

Un des cadres des Talibans, Hakkeemullah Mehsud a confirmé l’établissement d’une base syrienne, en indiquant que les combattants pakistanais ont été envoyés à la demande du commandant d’Al-Qaida en Syrie, Abu Omar Baghdadi. Il affirme que cette demande répond aux volontés d’intégrer des combattants étrangers contre le régime de Bashar Al-Assad.

Pour le Washington Post, Zeina Karam rencontré l’un des Pakistanais sur le terrain syrien : Suleman, qui pense que par son combat, sa récompense sera plus grande au paradis. Ces derniers mois, les militants pakistanais sont de plus en plus nombreux à combattre aux côtés des Arabes. Si le porte-parole du ministère pakistanais de l’intérieur dément la présence de Pakistanais en Syrie, certains responsables des services secrets sont moins catégoriques. Ces combattants sont des indépendants ou affiliés aux Talibans, à Al-Qaida ou au groupe Lashkar-e-Jhangvi, comme Suleman.

Dans le nord de la Syrie, un activiste confirme cette présence. « La plupart des moudjhadines sont des combattants arabes, venant de Tunisie, d’Algérie, d’Irak ou d’Arabie Saoudite, mais récemment, nous avons vu des Pakistanais et des Afghans » explique-t-il. Suleman est l’un des 70 combattants pakistanais envoyé par le réseau des Talibans pakistanais et du Lashkar-e-Jhangvi. « Notre but est de combattre les Chiites et de les éliminer » déclare-t-il.

Pour se rendre en Syrie, ces militants suivent différents itinéraires. La plupart prennent clandestinement des bateaux rapides depuis la côte du Baloutchistan pour rejoindre Mascat, la capitale d’Oman. D’autres, s’envolent pour le Bangladesh, le Sri Lanka, le Soudan et les Emirats Arabes Unis, avant de faire route vers la Syrie.

L’internationalisation des Talibans Pakistanais, une entreprise à succès ?

Derrière cette fraternité d’arme interdjihadiste, les Talibans pakistanais pourraient également chercher à consolider leurs liens avec le commandement central d’Al-Qaida. En combattant aux côtés du groupe Al Nusra,que les Américains considèrent comme une branche d’Al-Qaida, les Pakistanais se retrouvent aux avants-postes de l’internationale djihadiste, où l’on retrouve, en Syrie, des Libyens ou des Tunisiens.

En recherche de reconnaissance internationale, la présence de ces combattants vient compliquer une situation explosive après 28 mois de destructions et de massacres.

En recherche de reconnaissance internationale, la présence de ces combattants vient compliquer une situation explosive après 28 mois de destructions et de massacres.

Ce n’est toutefois pas le premier essai du TTP à chercher à jouer un rôle international. En 2010, le groupe avait chargé Faizal Shahzad, un jeune Pakistanais vivant aux USA de commettre l’attentat manqué de Time Square à New York et pas plus tard que ces dernières semaines, le groupe a revendiqué le meurtre de 10 alpinistes étrangers dans les montagnes du Pakistan. Le groupe essaye également de se mobiliser face aux violences faites à l’encontre de la minorité musulmane des Rohingya en Birmanie, tout en cherchant à rester concerné par le djihad au Cachemire indien.

Si la Syrie attire de plus en plus de combattants étrangers, il est possible que quelques Pakistanais entreprennent le voyage, mais quel accueil leur sera réservé en Syrie. Les responsables du TTP ont révélé il y a quelques temps que leurs interlocuteurs, probablement d’Al Nusra leur avaient poliment répondu « merci mais non merci ». Face aux nombreux Arabes qui viennent des pays voisins, il est difficile d’imaginer l’efficacité d’un petit groupe pakistanais non arabophone, qui a l’habitude de combattre dans les collines et dans les montagnes et non formé à la méthode de guérilla urbaine qui prédomine dans le conflit syrien.

Alors face à ses possibilités de succès réduit, pourquoi le TTP apporte-t-il son soutien, au-delà de fraternité panislamique. Tout d’abord l’internationalisation du groupe sonne bien et pourrait permettre de polariser d’éventuels donateurs tout en apportant une stature que le groupe cherche à conquérir. Enfin, la perspective du djihad en Syrie peut dynamiser le moral des troupes, divisée et morose depuis que l’un des chefs historique du mouvement a été tué par un drone en mai dernier. Cette vision internationale s’inscrit également dans la lutte acharnée que le TTP déploie face aux Musulmans chiites, qu’ils considèrent comme des hérétiques.

Alors que la plupart des combattants du TTP sont des jeunes hommes illettrés, sans emplois et des marginaux issus des tribus de seconde zone, tout agenda, qu’il soit global, tribal, ethnique ou sectaire peut leur permettre de les remotiver dans des perspectives d’une violence accrue et d’éventuels gains financiers.

Une chose reste sur : l’implication des Talibans pakistanais dans la guerre civile syrienne risque de compliquer un peu plus la dynamique sur le terrain en exacerbant les tensions déjà existantes entre l’Armée Syrienne Libre et les groupes islamistes.

Julien Lathus

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