Les Indiens s’interrogent sur les inondations d’Uttarkhand.

Du 13 au 17 juin, l’état d’Uttarkhand, au nord de l’Inde a reçu 375 % de précipitations de plus qu’en période normale. Rapidement, les pentes himalayennes se sont transformées en nouveaux lits pour des rivières folles. Sur le plan humain, la confusion règne sur le …

Du 13 au 17 juin, l’état d’Uttarkhand, au nord de l’Inde a reçu 375 % de précipitations de plus qu’en période normale. Rapidement, les pentes himalayennes se sont transformées en nouveaux lits pour des rivières folles. Sur le plan humain, la confusion règne sur le nombre de victimes. Si le ministre de l’intérieur, Sushilkumar Shinde évoque 900 morts, le gouvernement local indique plus de 3000 disparus et certains parlent même de 10 000 morts dans cette catastrophe naturelle. Plus de 73 000 personnes sont encore bloquées dans l’état en raison des coulées de terrains. Parmi eux de nombreux pèlerins venus se rendre sur les lieux sacrés de l’hindouisme.

Une statue de Shiva submergée par les eaux en Uttarkhand.

Une statue de Shiva submergée par les eaux en Uttarkhand.

Si la mousson, précoce cette année, est pointée du doigt, le boom du tourisme religieux et les projets hydroélectriques peuvent avoir contribué à l’ampleur de ce désastre.

L’Himalaya est une chaîne de montagnes relativement jeune avec une géologie fragile et propice aux glissements de terrains. Le déluge du 17 juin a détruit des villes, des villages, des routes et des ponts sur près de 100 km le long des rivières Mandakini et Alakananda, 2 affluents majeurs du Gange. Les origines du désastre sont contrastées. Un pan de glacier aurait cédé après les puissantes averses drainant alors des tonnes de glace, d’eau et de rochers sur la ville sainte de Kedarnath, sur la rive gauche de la rivière Mandakini.

L’état a déjà subit de nombreuses inondations soudaines de part le passé mais cette fois, le désastre s’est produit durant le pic de la saison de pèlerinage, accroissant ainsi le nombre de victimes. Le boom du tourisme religieux a fait reposer une importante tension sur les infrastructures chancelante de l’Uttarkhand. La région possède quelques unes des destination les plus sacrées de l’hindouisme. En une décennie, le tourisme interne a fait un bond de 300 % et plus de 30 millions d’Indiens visitent chaque année l’état pour s’adonner à des activités religieuses. Ce nombre devrait doubler d’ici 2017.

« Il y a un sursaut du religieux à travers toute l’Inde » explique le sociologue Arshad Alam. « Après 2 décennies d’une rapide croissance économique, la classe moyenne s’est accrue et elle a plus d’argent à dépenser. Les pèlerinages sont alors devenus très populaire ». En réponse à cette demande, des centaines d’hôtels, des appartements et des centres religieux ont émergé en Uttarkhand, souvent dans les plaines de déjection de rivières capricieuses Mandakini et Alakananda, sans tenir compte de la législation sur la construction des bâtiments. Plusieurs d’entre eux ont été littéralement pulvérises dans les inondations de la semaines dernière. « Il devrait exister une législation face à l’essor incontrôlé du tourisme religieux dans l’Himalaya » affirme pour sa part Maharaj K Pandit, directeur du centre d’études interdisciplinaires des montagnes de l’Université de Delhi.

 

Pourtant, la plupart des analystes croient que la restriction du nombre de pèlerins serait un suicide politique. « Le désir d’aller prier au temple de Kedarnath est presque comme une force irrésistible » explique Pavan Srinath, de l’organisation Takshashila Foundation. « En dépit de cette tragédie, les gens parlent déjà de la planification de leur voyage sacré. Aucun gouvernement ne peut barrer la route des pèlerins dans l’Himalaya.

Maharaj K Pandit reconnaît que la question est délicate mais il déclare que l’industrie touristique a d’importantes conséquences sur l’éco-système himalayen. Durant la haute saison, des fils de cars diesel grimpent lourdement le long des routes de montagnes dans un nuage de fumée de pots d’échappement. « Une fois, j’ai compté 117 bus sur un pont en 8 min » reprend le chercheur.

Ses dernières années, l’Uttarkhand a également été le théâtre du boom des projets hydroélectriques. Quelques 70 systèmes sont actuellement en route ou planifiés dans la région par New Delhi. Ils font partis des 300 prévus dans l’Himalaya alors que les questions énergétiques et hyrdoliques sont cruciales pour le développement de l’Inde et sa croissance. Peu de barrages mais surtout des centrales « au fil de l’eau », sans retenue d’eau. Néanmoins, ce système nécessite de longues canalisations souterraines à travers les vallées.

Des rapports font déjà état de sérieux dommages sur ces projets suite aux intempéries de la semaine dernière. De nombreux débris ont détruit leur environnement propre, à la fois celui naturel que celui humain. Un article récent de Science Magazine met en garde contre les atteintes à l’écosystème apr le biais de projets mal conduits et mal entretenus. La région de l’Uttarkhand est connue pour son importante biodiversité, faite de plantes, de poissons et de papillons. Des scientifiques estiment que la dégradation de l’écosystème par la construction de barrages pourrait mener à la disparition de 29 espèces animales ou végétales.

« Personne ne dit qu’il ne faut pas de barrages » déclare Mr Pandit. « Mais une certaine retenue doit être de mise pour sécuriser les pentes himalayennes et comprendre leur fragilité sans faire intervenir un développement incontrôlé ».

Tous les experts ne sont pourtant pas d’accord. Pour certains, si des barrages n’avaient pas retenus les grandes quantités d’eau tombées, les dégâts auraient pu être encore plus graves. « Les barrages peuvent également prévenir des catastrophes. La principale question ne concerne pas les barrages en eux même, mais elle doit porter sur leur gestion. En Inde, nous n’avons aucune culture de la sécurité publique » répond-t-il. « Les barrages retiennent de l’eau et représentent ainsi une bombe à retardement, surtout que l’Himalaya est une zone propice aux séismes. Imaginez les conséquences de la destruction d’un barrage majeur ».

Julien Lathus

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