Inde : le ministre de l’intérieur évoque le terrorisme hindou.

Sushil Kumar Shinde, le ministre indien de l’intérieur a accusé le parti nationaliste hindou du BJP et l’organisation paramilitaire hindoue du RSS, composée de volontaires, de promouvoir le terrorisme hindou. Une charge qui a engendré de vives réactions du côté de la droite nationaliste indienne. …

Sushil Kumar Shinde, le ministre indien de l’intérieur a accusé le parti nationaliste hindou du BJP et l’organisation paramilitaire hindoue du RSS, composée de volontaires, de promouvoir le terrorisme hindou. Une charge qui a engendré de vives réactions du côté de la droite nationaliste indienne. Le ministre des affaires étrangères, Salman Khurshid soutient les allégations émises par Shinde en affirmant que ces accusations sont « basées sur des faits révélés par les agences de renseignements. « Le terrorisme n’a pas de religion, ni de couleurs » argumente-t-il.

Volontaires du RSS à l’entrainement.

Dimanche, au cours de l’assemblée du Parti du Congrès, réunit à Jaipur, Sushil Kumar Shinde a accusé le BJP et le RSS de tenir des camps d’entrainement et de promouvoir le « terrorisme hindou ». « Laissez-moi vous dire clairement que nos allégations, partagées par mon bureau et celui de l’ancien ministre de l’intérieur, sont basées sur des faits mis à la disposition du gouvernement par les agences de renseignements » se justifie-t-il.

« Des rapports édités après des investigations montrent que le BJP et le RSS apprennent la terreur dans des camps d’entrainement pour diffuser le terrorisme. Sous cette impulsion, des bombes ont explosé dans le train Samjhauta (février 2007, 68 morts, 50 blessés), à Hyderabad dans la Mosquée Mecca (mai 2007, 16 morts, 100 blessés) et contre des structures musulmanes à Malegaon (septembre 2006, 37 morts, 125 blessés). Nous devons y penser sérieusement et nous resterons en alerte » déclare-t-il.

Rejet et condamnation des propos du ministre.

Les remarques du ministre de l’intérieur n’ont pas échappé au BJP et au RSS qui se sont empressés de les dénoncer et les qualifiant de « dangereuses », tout en mettant en garde le Congrès contre sa politique « destructive ». « Le BJP est profondément attristé par les allégations répétées et irresponsables des plus hauts ministres de l’Union Indienne qui accusent le BJP et le RSS de fomenter un terrorisme hindou » rétorque le porte-parole du BJP, Ravi Shankar Prasad.

« Les remarques faites par le ministre de l’intérieur et propagées par le ministre des affaires étrangères sont regrettable et condamnables. Nous demandons des excuses de la part de la présidente du Parti du Congrès (Sonia Gandhi) pour les accusations émises par ses cadres sur le terrorisme hindou. Des affirmations aussi irresponsables n’ont pour seul effet que d’encourager les terroristes venant de l’autre côté de la frontière (le Pakistan) et mettent à mal des années d’efforts indiens contre la stratégie pakistanaise » poursuit-t-il.

La guerre des mots entre le BJP et le Congrès s’est intensifiée après le soutien apporté par Salman Khurshid au ministre de l’intérieur indien sur le terrorisme safran. Le BJP appelle à la rétraction des propos du ministre et demande au Premier ministre indien, Manmohan Singh de renvoyer Sushil Kumar Shinde.

Une vague safran.

Le terme de « terrorisme safran » est apparu en 2008 dans le discours politique en Inde en référence à des actions terroristes de l’extrême-droite inspirées par le nationalisme hindou. En 2002, après les pogroms antimusulmans du Gujarat, c’est la revue indienne Frontline qui pour la première fois à utiliser le terme de « terreur safran », en référence à cette couleur, considérée comme sacrée dans l’hindouisme.

Du militantisme nationaliste hindou à la terreur safran.

Depuis les succès du BJP qui tient au pouvoir en Inde de 1998 à 2004, le nationalisme hindou a le vent en poupe. Partout en Inde déferle une vague safran soutenue par le concept politique d’hindouité (hindutva) qui cherche à défendre le patrimoine indien et hindou face aux idéologies venues de l’étranger comme l’Islam, le Christianisme, le capitalisme ou le communisme. Ce concept affirme la fierté d’être hindou, une fierté bafouée depuis les invasions musulmanes en Inde et le pouvoir britannique. Aujourd’hui, l’hindutva cherche à réécrire l’histoire du sous-continent indien au prisme de son idéologie.  Le BJP et le RSS se réclament de l’hindutva, tout comme le Shiv Sena qui est basé dans le Maharashtra.

L’ancien patron du Shiv Sena, Bal Thackeray, mort en novembre dernier avait préconisé la formation de kamikazes hindous pour contre le terrorisme islamique en Inde en 2002. L’homme qui pour certains Indiens apparaissait comme un demi-dieu voulait ainsi profiter de l’inquiétude suscitée par des attentats islamiques perpétrés au Cachemire et à New Delhi. Un terreau de choix pour cet homme populiste au discours musclé et considéré comme l’ancien patron de Bombay.

Bal Thackeray brandit son épée face à ses militants du Shiv Sena.

Mercredi, Bal Tackeray aurait eu 87 ans. A cette occasion, Bombay prépare des commémorations en l’honneur de son « chef » disparu. Parmi les réjouissances, il est attendu que les volontaires du Shiv Sena distribuent des poignards aux quelques 3000 femmes attendues aux célébrations. « Nous allons leur donner des poignards à toute » entend-t-on lors des préparatifs. « Bal Thackeray disait tout le temps que les femmes feraient mieux d’avoir un poignard dans leur sac à main plutôt qu’un stick de rouge à lèvres » se souvient Ajay Chaudhry, chef du Shiv Sena pour le sud de l’Inde. Si cette référence est aujourd’hui contextualisée dans les problèmes de viols que connait le pays, elle n’en demeure pas moins imprégnée de l’idéologie hindoue, nationaliste et guerrière que véhicule le Shiv Sena.

Alors que les partis politiques indiens entrent progressivement en campagne pour les élections de 2014, nous pouvons toujours nous interroger sur la démarche du Congrès à évoquer le terrorisme hindou. Néanmoins et face aux résultats d’enquêtes, le parti du Congrès s’inquiète face à l’extrémisme hindou, et pas seulement en période préélectorale. Dans un câble de 2009 révélé par Wikileaks, Rahul Gandhi, nommé la semaine dernière au poste de vice-président du Congrès, avait révélé au cours d’un dîner avec l’ambassadeur américain, Timothy Roemer que « le terrorisme et le communautarisme sont des pièges pour l’Inde. La montée de l’extrémisme hindou est encore plus dangereuse que le Lashkar-e-Toiba (groupe islamique pakistanais armé en cause dans les attentats de Bombay de 2008) ».

Sources :

Firstpost (Inde) en VO.

NDTV (Inde) en VO.

ZeeNews (Inde) en VO.

Julien Lathus

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