Episode 3 et Épilogue – La victoire d’Obama et le sous-continent indien.

Après une campagne présidentielle américaine haletante, Barack Obama a été reconduit au poste de président des USA. La terre entière a suivi de près cette élection puisque les USA continueront encore pour 4 ans à peser sur la géopolitique mondiale. Les dirigeants du monde ont …

Après une campagne présidentielle américaine haletante, Barack Obama a été reconduit au poste de président des USA. La terre entière a suivi de près cette élection puisque les USA continueront encore pour 4 ans à peser sur la géopolitique mondiale. Les dirigeants du monde ont dans leur ensemble félicité cette victoire car sur le plan des relations internationales, Barack Obama semble un bien meilleur interlocuteur que Mitt Romney et sa vision manichéenne du monde.

Après le troisième débat de la campagne, dédié à la vision mondiale des deux candidats, il était apparu que les deux challengers partageaient une certaine vision sur le Pakistan alors que l’Inde avait été occulté des discutions. A la suite de la reconduction de Barack Obama à la Maison Blanche, comment ces deux pays ont accueilli cette victoire ?

 Ce que signifie la victoire d’Obama en Inde.

L’un des premiers dirigeants mondial a salué cette victoire historique a été le premier ministre indien Manmohan Singh qui a promis de regarder vers l’avant pour poursuivre sa collaboration avec Barack Obama. Il a été suivi de près par le président Pranab Mukherjee et par Salman Khurshid, le ministre des affaires étrangères.

« Le peuple et le gouvernement indien ont envoyé leurs félicitations au président Obama pour ce second mandat offert par le peuple américain qui a exprimé ses souhaits dans la grande tradition démocratique de leur pays » a déclaré le ministre des affaires étrangères dans un communiqué.

En Inde, l’élection de Barack Obama inspire les artistes en tout genre.

Pour ce second mandat, Barack Obama risque de poursuivre l’approche qu’il a adopté avec l’Inde ces 4 dernières années, à savoir : l’expansion du commerce bilatérale, la continuité de la coopération militaire et le retrait américain de la question du Cachemire qui empoisonne les relations indo-pakistanaises. Les deux pays auront également à gérer quelques dossiers épineux comme les inquiétudes indiennes concernant les questions d’immigrations ou les crispations américaines face aux barrières qui freinent les investissements en Inde.

Durant le débat sur la politique étrangère, ni Obama, ni Romney n’étaient intervenus sur l’Inde en raison d’un consensus grandissant à Washington qui entretient des liens forts avec New Delhi car il s’agit d’une relation vitale où se joue des questions commerciales et de stratégie avec cet allié en Asie. Aucune controverse à ce sujet.

Au cours de son premier mandat, Obama a accru la coopération militaire et la lutte anti-terroriste avec l’Inde. Pour Washington, cette démarche de soutien à l’Inde constitue une approche stratégique visant à contrecarrer les ambitions chinoises dans la région. Cette politique devrait se poursuivre dans les 4 années à venir, et peut être même se consolider.

Sur le plan commercial, les USA devraient continuer de pousser l’Inde à entreprendre des réformes pour les investissements étrangers. La voie est ouverte puisque l’Inde a permis cette année l’entré sur son territoire de la grande distribution avec Wall Mart. Washington cherche maintenant à investir le secteur des assurances, une fois que New Delhi en aura libéralisé le régime.

La relation indo-américaine devrait connaitre néanmoins quelques points de frictions. Le plus important réside dans le contrat gazier et pétrolier que l’Inde entretient avec l’Iran. En important près de 80 % de son pétrole via l’Iran, l’Inde risque de faire face aux pressions internationales pour cesser cet approvisionnement. Pourtant, l’Inde ne devrait pas subir de potentielles sanctions pour cet acte et le pays cherche à temporiser l’affaire. « L’Inde n’a aucun intérêt à se lancer dans une dispute avec les USA sur la question de l’Iran » déclarait le premier ministre Manmohan Singh.

Congratulations et amertume au Pakistan.

Comme la plupart des chefs d’état, le président pakistanais, Asif Ali Zaradri a félicité son homologue américain pour sa réélection par le biais du ministère des affaires étrangères. « Le président Asif Ali Zardari félicite chaleureusement le président Barack Obama pour sa réélection en tant que président des Etats-Unis. Le président (pakistanais) espère que la relation entre le Pakistan et les USA continuera de prospérer au cours du nouveau mandat du président Obama » indique un communiqué du ministère pakistanais.

Si le ton est chaleureux et courtois, les deux pays ont connus une sévère détérioration de leurs liens sous le premier mandat de Barack Obama.  Ces tensions sont symbolisées par le raid américain contre Oussama Ben Laden en mai dernier qui a particulièrement irrité Islamabad, non prévenu et par l’usage croissant des drones qui violent perpétuellement la souveraineté territoriale du Pakistan.

La rage contre les drones au Pakistan

Alors que l’immense majorité des pays du monde auraient élu Obama (72%pour la France), le Pakistan est l’un des seuls pays où Romney aurait pu gagner. Néanmoins, la majorité des Pakistanais sont restés indifférents à cette élection. « Il y a des appréhensions. Il y a la peur de plus de drones, plus de demandes ; un sentiment qu’Obama risque d’être mauvais pour le Pakistan. Dans leur ensemble, les Pakistanais n’apprécient pas Obama et ils identifient leurs sentiments anti-américains avec lui » explique un commentateur pakistanais.

Barack Obama a autorisé près de 300 frappes de drones durant les 4 premières années qu’il a passé à la Maison Blanche. C’est 6 fois plus que sous l’administration Bush. Depuis 2004, ces attaques auraient tué entre 1908 et 3225 personnes au Pakistan.

Cette réélection a été ressentie par beaucoup comme un coup dur. Muhammad Rehman Khan, un pakistanais de 28 ans accuse Obama de lui avoir pris son père, 3 frères et son neveu, tous tués dans une attaque de drone, déclenchée au premier mois du mandat du président réélu. « Cette même personne qui a attaqué ma maison a été réélue » raconte-t-il à Reuters depuis Islamabad où il s’est réfugié après l’attaque de son village dans le sud du Waziristan. « Depuis hier, la pression sanguine qui passe dans mon cerveau est en hausse. Je me remémore toute cette peine » poursuit-t-il.

Imran Khan, ancienne star du cricket reconvertie en politicien conservateur déclare que le premier mandat d’Obama avait été « très dur envers le Pakistan » dans sa politique en Afghanistan tout en soulignant que l’utilisation des drones avait « accru le militantisme » dans le pays.

« Maintenant, Obama n’est plus sous la pression de sa réélection, nous espérons qu’il donnera une chance à la paix dont nous avons désespérément besoin » a-t-il déclaré au cours d’une conférence en Inde.

Cette réélection n’a pas fait que des malheureux au Pakistan. Zafar Moti, un agent de change de Karachi ramasse plusieurs bouteilles de whisky 18 ans d’âge après avoir parié avec ses amis sur la victoire de Barack Obama. « Tout le monde pense que Romney aurait été meilleur pour le Pakistan mais je dis qu’il ont tort. Romney aurait été plus enclin à déclencher une guerre contre l’Iran ce qui aurait eu des conséquences désastreuses pour la région. D’accord, Obama est plus bâton que carotte mais au moins, c’est un bâton que nous connaissons » explique-t-il.

A relire :

Série : La campagne électorale américaine et le sous-continent indien.

Episode 1 – Le Pakistan dans le débat présidentiel américain.

Episode 2 – Pourquoi l’absence de l’Inde lors du débat présidentiel US?

Sources :

The Guardian (Grande-Bretagne) en VO.

India Real Time – The Wall Street Journal (Inde) en VO.

PakTribune (Pakistan) en VO.

Julien Lathus

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